écologie chrétienne > retour à l'ACCUEIL


ÉCOLOGIE  CHRÉTIENNE
l´écologie à la source du christianisme

saint François d'Assise : patron céleste des écologistes (Jean-Paul II en 1979)
Rubriques
> Accueil > Réflexions > Écologie
accueil


dossiers

réflexions

objections

livres

liens


actualités

actions

recherche sur écologie chrétienne


mise à jour le
11 avril 2007

historique

Réflexions



Charles Péguy et le mystère de l´incarnation

Cet article de Falk van Gaver est parru dans « L'Homme Nouveau ». Falk van Gaver, qui a entre autre publié « Le Politique et le Sacré », nous a aimablement autorisé à reproduire le présent article.



Le poète des « cités charnelles » a médité toute sa vie le mystère de l'incarnation : signe de l'Amour divin pour tout être qui est au fondement d'une écologie chrétienne.


Face à l'obésité croissante de la société de consommation, on a parfois par dégoût la tentation de se réfugier dans un ascétisme désincarné - répandu de nos jours sous le nom d'anorexie. Mais attention : c'est se faire prendre au mensonge moderne, qui veut faire croire qu'entre matière et esprit, il faut choisir, mais qui néantise et la matière et l'esprit : car en modernité tous deux ne sont finalement que la mort. Le « ventre » et la « chair » dont parle saint Paul sont ces forces de néant, de déformation, de décréation : ce sont des antiformes. Mais le refuge et le salut ne sont pas dans la désincarnation qui est aussi saut orgueilleux dans le grand rien. Bien sûr, on ne peut pas évacuer la question de l'ascétisme : rien ne se fera sans discipline, sans rigueur, sans privations, sans dépouillement, sans renoncements, sans sacrifices, sans pauvreté volontaire. Aujourd'hui comme hier et bien avant, les antiques monastères, phalanstères de vie spirituelle et d'économie vivrière, sont le paradigme et le modèle de la contre-société, de la vraie société qu'il nous appartient de construire. Ils sont les lieux où se pratique un véritable ascétisme tourné vers la vie : un ascétisme de l'incarnation.

Le mystère central du christianisme est l'incarnation. Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu, disent les Pères de l'Eglise. Tout mépris de la chair, toute détestation du temporel est une abomination, car c'est mépriser et détester la condition réelle que le Christ, Verbe de Dieu, a assumée pour la sauver. « Dieu a tant aimé le monde qu'il lui a livré son Fils pour le sauver. » Le génie et la grâce même de Péguy, c'est d'avoir compris cela. De s'être converti pour cela - qui est la seule raison qui vaille. De s'être converti par amour, souci brûlant, fièvre inquiète. Par amour pour le monde, le concret, la chair. De s'être converti pour la même raison que Dieu s'est incarné. De s'être converti par le même mouvement que Dieu a créé. Par amour. Un amour qui assume tout le réel. Un véritable chrétien est un amoureux. Un amoureux fou. Comme Péguy.

Charles Péguy, dreyfusard, socialiste, est venu au christianisme par Jeanne, Jeanne la sainte du peuple, de la patrie. Il est venu au Christ par le souci du peuple et l'amour du pays - pas d'un concept de peuple ou de pays, mais par amour et souci du peuple réel et du pays réel. Il est venu à Dieu pour de très bonnes raisons. Et toute son œuvre, tant poétique que polémique, est comme une défense et illustration, et une méditation, de ce mystère de l'incarnation. L'Esprit de Dieu conçoit en Marie, « une pauvre juive de Judée », et féconde son sein. « Le spirituel couche dans le lit de camp du temporel », dit brutalement le prosateur des Cahiers de la Quinzaine, mais aussi le poète du Porche du mystère de la deuxième vertu et d'Eve :
    « Car le spirituel est lui-même charnel
    Et l'arbre de la grâce est raciné profond
    Et plonge dans le sol et cherche jusqu'au fond. »
Péguy reviendra sans cesse sur ce mystère central qu'il n'a cessé de méditer :
    « C'est vraiment un grand mystère que cette sorte de ligature du temporel et du spirituel. On pourrait dire que c'est une sorte d'opération d'une mystérieuse greffe. Le temporel fournit la souche ; et si le spirituel veut vivre, s'il veut continuer, s'il veut fleurir, s'il veut fructifier, le spirituel est forcé de s'y insérer. »
Il insiste sur « ce besoin incroyable du temporel qui a été laissé au spirituel, cette incapacité absolue du spirituel de se passer du temporel. »

L'amour brûlant pour la totalité du réel existant assume toute l'humanité et toute son histoire. L'humanisme de Péguy est cet « humanisme intégral, humanisme de l'incarnation » dont parlera Jacques Maritain, autre grand converti de la même époque, et qui embrasse la totalité de l'univers. Mais attention, l'humanisme de l'incarnation est un humanisme qui va jusqu'au bout, qui assume tout, et la souffrance et la mort. Le véritable ascétisme, la vraie révolution ascétique, plus profonde et totale que celle de Gandhi, réside pleinement dans cet humanisme de la croix :
    « …tant de graisse, tant de mangeaille
    Qui n'a pu être compensée
    Que par l'effrayante, que par l'affreuse maigreur,
    Que par le décharnement
    De Jésus sur sa croix. »
Le christianisme, l' « incarnationisme » pourrait-on dire, c'est la joie avec les larmes, l'émerveillement et la souffrance, comme le rappelle Maritain : « Le chrétien ne se console pas de la perte irréparable de la moindre réalité fugitive, d'un visage, d'un geste de la main, d'un acte de liberté ou d'un accord de musique, où passe un peu d'amour et de beauté. » L'incarnation , « l'encharnement », le « racinement », conduisent le chrétien, icône du Christ, du Dieu fait chair, à assumer totalement le salut de l'ordre temporel. C'est là que réside le mystère de la charité.

Falk van Gaver




| accueil | dossiers | réflexions | objections | livres | liens | actualités |

conception & administration : dominique.michel @ gmail.com